1_La croissance économique mondiale a progressé légèrement, mais la vaste majorité de la population mondiale attend toujours une amélioration de la sécurité, des salaires et de la protection sociale. Les inégalités atteignent des sommets sans précédent et ne montrent aucun signe de recul. Entre-temps, les salaires des travailleurs stagnent par rapport à la productivité et aux bénéfices. Aujourd’hui, huit milliardaires ont amassé la même richesse que la moitié la plus pauvre de la population mondiale (1) et à peine 50 entreprises détiennent une richesse combinée équivalente à celle de 100 nations (2). La concentration de la richesse s’accroît. Le phénomène est par ailleurs aggravé par les entreprises de l’économie numérique, tant en termes de captation du marché que de hausse du travail précaire.
2_Pour la vaste majorité des habitants de la planète, le travail décent n’est pas une réalité et la concurrence vers le bas qui existe entre les pays en matière de salaires et de conditions de travail a des conséquences désastreuses sur les moyens de subsistance des travailleurs. Seuls 28 % de la population mondiale jouissent de systèmes de protection sociale exhaustifs et les récentes réductions opérées par les gouvernements, conjuguées à l’augmentation des formes de travail précaire, compromettent encore davantage l’adéquation et l’accès à la protection sociale (3).
3_Les travailleuses, sur qui retombe la plus grande partie du fardeau des soins non rémunérés, sont les plus durement touchées. La contribution des femmes à l’économie mondiale se chiffre à environ 10 000 milliards de dollars US au titre de l’emploi direct et à un montant équivalant pour les soins non rémunérés. Toutefois, la participation des femmes s’est enlisée et les inégalités entre les sexes persistent sur le marché du travail. De la même façon, le taux de chômage élevé des jeunes, ainsi que la concentration de ces derniers dans des emplois précaires et mal rémunérés, constitue une menace pour le travail décent pour tous à l’avenir.
4_Dans le même temps, le changement climatique qui sévit sans faiblir affecte la survie et les moyens de subsistance de millions de personnes aujourd’hui en raison d’événements climatiques extrêmes tels que des sécheresses, des ouragans et des inondations. Le monde a besoin d’investissements considérables ainsi que d’une coordination des politiques afin de parvenir à une transition juste vers une économie à faible émission de carbone. Dans la même veine, l’évolution technologique rapide exige de nouvelles réglementations et des investissements dans l’emploi et un cadre de transition juste afin de garantir le plein emploi.
5_ Ces tendances minent la justice sociale, contribuent à accroître la pauvreté et l’exclusion sociale et menacent la cohésion sociale. Par ailleurs, elles sapent la croissance économique durable et inclusive sur le long terme. Rien de tout cela n’est inévitable cependant. Les gouvernements, en collaboration avec les partenaires sociaux, ont le pouvoir de relever efficacement ces défis.
6_Le G20 s’est engagé à plusieurs reprises à prendre des mesures dans ces domaines, toutefois, les travailleurs n’en ont pas vu les résultats tangibles. Les syndicats exhortent désormais les ministres du Travail et de l’Emploi réunis à Mendoza à mettre en oeuvre, approfondir et surpasser les engagements pris dans le passé :
- garantir un salaire minimum vital, fondé sur le coût de la vie et ajusté en fonction de celui-ci ;
- promouvoir la liberté d’association et la négociation collective, notamment dans le domaine des salaires, et prendre des mesures en vue d’élargir le champ d’application des conventions ;
- renforcer et investir dans des systèmes de protection sociale universels ;
- extirper la précarité, l’informalité, l’esclavage et le travail des enfants des chaînes d’approvisionnement mondiales et veiller à ce que les entreprises prennent leur responsabilité concernant leurs obligations à l’égard des travailleurs, notamment en incorporant la diligence raisonnable en matière de droits humains dans toutes leurs opérations ;
- lutter contre le changement climatique et contribuer à la réalisation des objectifs de l’Accord de Paris sur le climat par la promotion et la mise en oeuvre de stratégies pour une transition juste en vue d’une économie à faible émission de carbone ;
- préparer la population active à une « transition juste » vers un avenir du travail plus numérique. Pour ce faire, il convient en particulier de :
- (i) promouvoir le dialogue social sur le déploiement des technologies et les besoins en investissements, la gouvernance tripartite des fonds de transition et de formation, (ii) renforcer et adapter les systèmes de protection sociale et (iii) prendre des mesures anticipées afin de garantir que les formes de travail non conventionnelles ne sont pas exploitées avec pour objectif d’éviter toute responsabilité vis-à-vis des travailleurs tout en garantissant que les travailleurs occupant ces emplois jouissent de tous les droits que leur donne le droit du travail. À cette fin, la négociation collective doit être un mécanisme intrinsèque pour le dialogue social et la construction conjointe de la paix et de la justice sociale ;
- promouvoir l’égalité des sexes sur le marché du travail et investir massivement dans l’économie et les formations dans le domaine des soins afin de créer de nouveaux emplois et d’en soustraire des millions d’autres au secteur informel. Par ailleurs, la violence sur le lieu de travail doit être combattue, y compris au moyen d’une législation sur les congés pour violence conjugale ;
- remédier aux niveaux élevés et persistants de chômage des jeunes, notamment par l’adoption de politiques actives du marché du travail et d’investissements dans les programmes de formation officiels et par la prise de mesures visant à accroître la demande de main-d’oeuvre en général ; et
- planifier l’intégration des réfugiés et des migrants en supprimant les obstacles à l’inclusion sociale.
7_Ces demandes se basent sur des éléments de preuve attestant de ce qui fonctionne. Le récent Rapport sur les politiques sociales et économiques intitulé « Pour une croissance induite par les salaires » (4) met en lumière des recherches démontrant comment l’augmentation des salaires, l’amélioration de la protection sociale, le renforcement de la négociation collective et la réduction des inégalités peuvent contribuer à faire augmenter le taux d’emploi, améliorer le développement des compétences, réduire l’informalité, renforcer la demande globale et promouvoir le développement et la croissance économiques en général.
8_Le G20 a pris des engagements sur la part des revenus du travail, les principes d’une politique salariale équitable, les droits des travailleurs tout au long des chaînes d’approvisionnement mondiales, la participation égale des femmes et des hommes à l’emploi et aux salaires, l’inclusion des jeunes, la santé et la sécurité au travail et le développement des compétences, pour ne citer que quelques domaines. Les ministres du Travail et de l’Emploi ne doivent pas perdre de vue ces engagements antérieurs et la priorité doit être accordée à la mise en oeuvre et à l’approfondissement des efforts déjà accomplis dans ces domaines.
9_En honorant leurs engagements, les ministres du Travail et de l’Emploi du G20 contribueraient à la réalisation des objectifs de développement durable et en particulier les objectifs visant à mettre fin à la pauvreté (ODD 1), à assurer l’accès de tous à une éducation de qualité, sur un pied d’égalité, et promouvoir les possibilités d’apprentissage tout au long de la vie (ODD 4), à parvenir à l’égalité des sexes et autonomiser toutes les femmes et les filles (ODD 5), à atteindre la croissance économique par le travail décent (ODD 8) et à réduire les inégalités (ODD 10).
10_Le G20 est un processus clé de la gouvernance mondiale. Le monde attend des pays du G20 qu’ils jouent un rôle de premier plan dans l’amélioration de la coordination et de la cohérence des politiques économiques et sociales ainsi que dans la garantie de la dimension sociale de la mondialisation avec une application des droits humains et des droits du travail. Nous mettons l’accent sur l’importance que revêt une plus grande coordination au sein de chaque État tout comme sur l’importance de la coopération intergouvernementale.
11_Outre les priorités susmentionnées pour les travailleurs, nous demanderons aux dirigeants du G20 de s’attaquer à la fraude et à l’évasion fiscales de grande ampleur, de renforcer la réglementation financière et de prendre des mesures pour définanciariser l’économie et garantir la sécurité alimentaire pour tous.
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1 Oxfam (2017) Une économie au service des 99 %
2 CSI (2016) Scandale – Immersion dans les chaînes mondiales d’approvisionnement de 50 des plus grandes entreprises
3 Rapport mondial sur la protection sociale de l’OIT 2017-2019 (2017)
4 CSI (2018), Pour une croissance induite par les salaires