Les Perspectives économiques intermédiaires de l’OCDE ne saisissent pas les risques d’un resserrement monétaire et budgétaire conjoint et sans précédent
L’OCDE a publié ses Perspectives économiques intermédiaires, Paying the Price of War. La croissance mondiale devrait passer de 3 % en 2022 à 2,2 % en 2023, avec une quasi-stagnation de l’activité économique aux États-Unis (0,5 %) et dans la zone euro (0,3 %). Par rapport à l’édition de juin des perspectives économiques, ces chiffres confirment les projections de PIB pour 2022, tout en abaissant considérablement celles pour 2023. Ils sont loin de prédire une véritable récession pour l’année prochaine. En outre, l’OCDE prévient que la possibilité de perturbations de l’approvisionnement en gaz en Europe, les fermetures liées au COVID-19, les turbulences de l’immobilier résidentiel en Chine et les crises de la dette dans les économies émergentes très endettées impliquent des risques significatifs à la baisse, ce qui laisse place à des prévisions plus sombres pour la fin de cette année. Les prévisions provisoires de l’OCDE n’identifient toutefois pas l’autre risque, très tangible, lié au resserrement actuel des politiques monétaires et fiscales dans l’économie mondiale. Alors que, selon la Banque mondiale, la proportion d’économies contractant leur politique budgétaire est plus importante aujourd’hui que lors de la campagne mondiale d’austérité qui a suivi la crise financière, on assiste parallèlement à un resserrement monétaire généralisé, la grande majorité des banques centrales du monde entier augmentant leurs taux d’intérêt. Le danger est que ce resserrement généralisé de la politique macroéconomique va trop loin et pousse les économies dans une récession mondiale et profonde qui nous coûtera cher en termes d’emplois perdus, d’inégalités accrues et d’incapacité à réaliser les investissements nécessaires et urgents pour lutter contre le changement climatique. Par ailleurs, la réduction de la demande mondiale ne résoudra en rien le problème structurel et la cause première de l’inflation galopante, à savoir la dépendance excessive des économies à l’égard des énergies fossiles. Pire encore, en ajoutant la perte d’emplois et de revenus à la crise du « coût de la vie » qui érode déjà le pouvoir d’achat des salaires, une récession portera gravement atteinte au niveau de vie des ménages situés au bas de l’échelle des revenus. En effet, alors que les ménages à faibles revenus dépensent une part plus importante en énergie et en nourriture, les travailleurs à bas salaires, les travailleurs ayant des contrats instables et les autres travailleurs vulnérables sur le marché du travail sont également susceptibles d’être les premiers touchés par les restructurations d’emplois. Le TUAC regrette que l’OCDE non seulement s’abstienne de mentionner ce risque, mais qu’elle double même la politique mondiale de compression de la demande globale, en soutenant les banques centrales dans leur quête de lutte contre l’inflation induite par l’offre et en augmentant les taux d’intérêt jusqu’à 4 à 4,5 %. La crainte de l’OCDE de voir l’inflation s’enraciner en raison de ce que l’on appelle les spirales salaires-prix n’est guère étayée, car la croissance des salaires nominaux ne suit pas l’inflation et atténue donc, au lieu de l’amplifier, le choc inflationniste initial. En outre, le TUAC s’attendait à ce que les prévisions provisoires intègrent les principaux enseignements tirés des Perspectives de l’emploi de l’OCDE publiées il y a deux semaines : les marchés du travail ne sont pas parfaitement concurrentiels et les employeurs ont le pouvoir de fixer les salaires à un niveau inférieur à la valeur ajoutée par les travailleurs dans leur entreprise. L’inégalité du pouvoir de négociation implique à son tour que les travailleurs, en particulier les travailleurs vulnérables, ne sont pas en mesure de négocier des augmentations de salaire pour suivre les hausses de prix, ce qui jette un doute sérieux sur la possibilité de nouvelles spirales inflationnistes des salaires et des prix.
Sur la base de ces éléments, les perspectives d’emploi appellent non seulement à « des négociations globales entre les gouvernements, les travailleurs et les entreprises pour partager équitablement les coûts », mais aussi à « donner un nouvel élan à la négociation collective » afin de rééquilibrer le pouvoir de négociation et de protéger les niveaux de vie.