Avec la publication de l’ensemble final de mesures et de recommandations sur la lutte contre la planification fiscale agressive des entreprises par l’OCDE en octobre 2015 dans le cadre de la première phase du Plan d’action en 15 points sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices (BEPS) adopté par le G20 en 2013, il appartient désormais aux gouvernements de mettre en œuvre l’ensemble des mesures. Afin d’aider les syndicats à suivre la mise en œuvre du paquet et les implications de la planification fiscale des entreprises de manière plus générale, le TUAC publie une évaluation complète des 15 points d’action du plan d’action BEPS ainsi qu’un document de référence qui examine spécifiquement le nouveau cadre de déclaration pays par pays (mesure BEPS n°13). En outre, la liste du TUAC des « juridictions fiscales à risque » a été mise à jour. Pour chacun des 15 résultats du paquet BEPS, le document d’évaluation du TUAC offre une brève description de chaque résultat, y compris sa nature (rapport analytique, recommandation non contraignante ou norme minimale contraignante), le « pour et le contre » et une évaluation de la pertinence du résultat pour les priorités syndicales. L’évaluation vise à déterminer si les résultats finaux ont répondu aux attentes initiales et à l’ambition définies en 2013 par les gouvernements du G20. Par rapport au statu quo ante, le paquet BEPS apporte des améliorations significatives au système de règles fiscales et peut à juste titre être considéré comme une réalisation historique du point de vue de la réglementation internationale. Toutefois, les critères pour un tel éloge sont plutôt bas, étant donné que les règles fiscales internationales sont restées essentiellement inchangées pendant près d’un siècle. Il reste à voir si et dans quelle mesure le résultat final conduira à des résultats efficaces en matière de prévention de l’évasion fiscale des entreprises. L’évaluation du TUAC identifie quatre lacunes :
- L’absence de prise en compte de la dimension unitaire des entreprises mondiales dans le traitement des transactions intragroupes (prix de transfert) ;
- La concurrence fiscale entre les pays est encore considérée comme une vertu ;
- La complexité accrue des règles fiscales n’est pas suffisamment prise en compte ; et
- Respect trop strict de la confidentialité des affaires.
L’évaluation du TUAC met également en évidence les résultats de BEPS qui sont particulièrement pertinents pour l’action syndicale :
- La révision des lignes directrices contraignantes de l’OCDE sur les prix de transfert (BEPS Actions 8-10) : les prix de transfert erronés à l’intérieur d’un groupe sont la forme de planification fiscale agressive qui devrait le plus préoccuper les syndicats.
Elle affecte la répartition des bénéfices au sein d’une entreprise multinationale (EMN) et a donc un impact sur la rémunération des travailleurs et sur le processus de négociation collective. - Le nouveau cadre de déclaration pays par pays (action 13 du BEPS) : les informations contenues dans les déclarations pays par pays et les documentations associées sur les prix de transfert aideront les autorités fiscales à obtenir une image complète et détaillée de la localisation des sources de bénéfices et d’actifs au sein des entreprises multinationales.
Selon les termes convenus du paquet BEPS, le cadre de déclaration reste confidentiel.
Les syndicats doivent donc s’efforcer d’obtenir l’accès à ces rapports aux niveaux national, international et de l’entreprise.
La pertinence pour les syndicats ne s’arrête pas aux questions de prix de transfert et de déclaration. L’évaluation du TUAC identifie d’autres résultats du BEPS pertinents pour les syndicats, notamment :
- Recommandations sur le traitement fiscal de la déductibilité des intérêts de la dette (action 4) : la déduction excessive des intérêts de l’assiette de l’impôt sur les sociétés est une autre pratique commerciale classique de planification fiscale qui affecte la répartition des bénéfices au sein d’un groupe d’entreprises multinationales ;
- De nouvelles règles contraignantes pour empêcher les « pratiques fiscales dommageables » (action 5) par lesquelles les gouvernements offrent des régimes fiscaux préférentiels opaques (tels que les « patent boxes ») pour attirer les actifs immatériels des investisseurs étrangers, comme l’a révélé le scandale Luxleaks ;
- les conclusions du rapport sur les défis fiscaux de l’économie numérique (action 1) ; et
- les 6 indicateurs de mesure et de suivi du coût des pratiques BEPS (action 11).
Outre l’évaluation du paquet BEPS, le TUAC publie également un document spécifique plaidant en faveur de la déclaration publique pays par pays et mettant en balance l’action 13 du BEPS avec les exigences existantes en matière de déclaration pays par pays. Enfin, le « paquet syndical » propose une version actualisée de la liste du TUAC des juridictions fiscales à risque, établie à partir de trois systèmes d’évaluation : le Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales, hébergé par l’OCDE, le « Financial Secrecy Index » du Tax Justice Network (TJN) et les listes de paradis fiscaux de l’UE.