Le document de travail du Centre pour le bien-être, l’inclusion, la durabilité et l’égalité des chances (WISE) de l’OCDE, publié le 24 avril 2023, compare les différentes méthodologies utilisées pour calculer un salaire de subsistance, c’est-à-dire un salaire qui permet aux travailleurs d’atteindre un niveau de vie décent et de participer à la vie sociale et culturelle.
Cette recherche est clairement inspirée par la tendance actuelle de certaines entreprises multinationales qui cherchent à adopter un comportement commercial plus responsable en s’engageant volontairement en faveur d’un salaire de subsistance pour leurs propres travailleurs et, dans certains cas, pour l’ensemble des travailleurs de leur chaîne d’approvisionnement.
Dans cette quête, il est logique que des questions soient soulevées quant à la méthode correcte et aux données appropriées à utiliser.
Si le document de travail de l’OCDE se concentre sur des questions techniques telles que les différentes manières de calculer les salaires décents, l’impact de certaines hypothèses sur les estimations des salaires décents et un exercice de « benchmarking » des méthodologies existantes, il contient également des données et des conclusions soulignant l’importance clé des syndicats et de la négociation collective lorsqu’il s’agit d’atteindre des salaires décents. Les travailleurs pauvres : un échec du marché du travail à ne pas sous-estimer Le document de travail de l’OCDE commence par reconnaître qu’il ne suffit souvent pas d’avoir un emploi pour éviter la pauvreté.
Dans l’ensemble de l’OCDE, sur l’ensemble des personnes en âge de travailler faisant partie d’un ménage dont au moins une personne a un emploi, 8 % en moyenne sont pauvres et vivent dans une famille dont le revenu disponible est inférieur à 50 % du revenu médian du ménage.
La proportion de travailleurs pauvres est plus élevée que la moyenne dans des économies telles que les États-Unis et la Corée, dépasse 10 % en Italie, au Japon et en Israël (entre autres), et atteint un maximum d’environ 15 % au Mexique (voir graphique 1). En outre, les travailleurs pauvres représentent la majorité, soit environ 68 %, de l’ensemble des pauvres en âge de travailler.
Les salaires sont essentiels pour lutter contre la pauvreté des travailleurs Une question souvent soulevée dans les discussions politiques sur la pauvreté des travailleurs est de savoir dans quelle mesure l’augmentation des salaires au bas de l’échelle atteint les travailleurs qui vivent dans des ménages pauvres.
Les travailleurs faiblement rémunérés ne vivent pas nécessairement dans des ménages à faibles revenus.
Par conséquent, l’augmentation des salaires des travailleurs à bas revenus peut finir par bénéficier de manière disproportionnée aux ménages situés bien plus haut dans la distribution des revenus.
Le document de travail de l’OCDE reconnaît que les travailleurs à bas salaires peuvent effectivement vivre dans des ménages situés au milieu de la distribution des revenus.
Il reconnaît également que la quasi-totalité des travailleurs à temps plein issus de ménages situés dans le quintile inférieur de la répartition des revenus perçoivent un salaire inférieur au minimum vital tel qu’estimé par le Fair Wage Network.
Dans les pays d’Europe de l’Est et du Sud (notamment la Pologne, la République tchèque, le Portugal, l’Espagne et la Grèce), les travailleurs à temps plein qui gagnent moins que le salaire de subsistance représentent même les trois quarts de tous les travailleurs vivant dans le quintile inférieur de la répartition des revenus des ménages.
Cela confirme que le versement d’un salaire minimum vital, associé à d’autres mesures telles que l’offre de contrats de travail plus stables au lieu de formes de travail précaires, aura des effets tangibles sur le niveau de vie des ménages situés au bas de l’échelle de répartition des revenus.
Le renforcement de la négociation collective permet de relever les salaires au-dessus des seuils du salaire de subsistance
Enfin, la cinquième section du document de travail de l’OCDE explore l’impact de la négociation collective.
En utilisant les estimations du réseau Fair Work, l’OCDE calcule dans quelle mesure le salaire moyen dans un pays couvre ce qu’une famille à un seul revenu avec des taux de fécondité moyens a besoin comme salaire de subsistance.
Ce ratio, dont les données datent de 2020, est utilisé sur l’axe horizontal du panneau B ci-dessous.
Il montre que les salaires moyens peuvent être deux à trois fois plus élevés que le salaire de subsistance estimé (Finlande, Australie, Corée, Belgique, Autriche), tandis que les salaires moyens aux États-Unis et au Royaume-Uni sont assez proches des salaires de subsistance et qu’en Colombie et au Mexique, ils sont encore plus bas.
La représentation graphique de ce ratio par rapport à la part des salariés couverts par des conventions collectives, comme dans le panel B, révèle une association positive entre la négociation collective et la mesure dans laquelle les salaires moyens dépassent les salaires de subsistance.
Dans les pays où la proportion de travailleurs couverts par la négociation collective est plus élevée, les salaires moyens sont davantage supérieurs à ce que l’on estime être un salaire vital que dans les pays où la couverture de la négociation collective est plus faible.
Outre l’augmentation du salaire moyen, une couverture plus élevée des négociations réduit également l’écart entre le niveau des salaires minima légaux et les salaires de subsistance.
Le panneau A montre des taux de couverture élevés dans des pays tels que la Belgique, l’Espagne, les Pays-Bas et la France, coïncidant avec des niveaux de salaire minimum plus proches de ce qui est calculé comme constituant un salaire de subsistance.
La couverture élevée des négociations témoigne de l’existence d’institutions de négociation collective bien établies (telles que l’extension sectorielle des conventions collectives, les conseils tripartites de dialogue social) et d’organisations syndicales solides capables d’influencer la politique en matière de salaire minimum.
En revanche, la Nouvelle-Zélande et la Corée montrent qu’une forte fixation du salaire minimum compense des institutions de négociation collective plus faibles. Conclusion Ce document de travail de l’OCDE a pour toile de fond une prolifération d’initiatives en faveur du salaire minimum, menées par la société civile et les entreprises, ces dernières s’engageant volontairement à verser un salaire minimum.
Dans le même temps, le document met en lumière le rôle clé que jouent le dialogue social et la négociation collective dans la mise en œuvre d’une politique et de pratiques salariales efficaces qui comblent et dépassent l’écart avec le salaire vital, et ce non seulement au niveau de l’entreprise, mais aussi dans l’ensemble de l’économie.
Le document de travail de l’OCDE (page 37)souligneen particulier que « dans l’ensemble, ces éléments mettent en évidence la nécessité de garantir l’implication effective des partenaires sociaux dans la fixation et l’actualisation du salaire minimum légal et de renforcer la position de négociation des travailleurs« .
Le TUAC attend de l’OCDE qu’elle veille à ce que cette conclusion soit suivie dans la pratique par des recommandations visant à promouvoir la négociation collective.