Les 23 et 24 janvier 2019, le TUAC a présenté ses recommandations à l’OCDE sur la manière de taxer les activités numériques.
Les efforts en vue d’une plus grande coordination au niveau mondial sont hautement nécessaires.
Les multinationales devraient être imposées sur leurs bénéfices mondiaux sur la base de règles simples, anti-arbitrage, équitables et globales.
Cela implique de supprimer une partie du cadre actuel.
Les 23 et 24 janvier 2019, le cadre inclusif BEPS de l’OCDE/G20, réunissant plus de 115 juridictions, s’est réuni pour discuter et collaborer sur les mesures anti-évasion fiscale de l’OCDE. Le thème de cette réunion était la taxation des activités numériques.
Après plus de deux ans de négociations, l’OCDE a présenté en 2015 un plan d’action en 15 points pour lutter contre les pratiques fiscales d’érosion de la base d’imposition et de transfert de bénéfices des entreprises multinationales. Les défis fiscaux découlant spécifiquement de la numérisation ont toutefois été laissés en suspens pour faire l’objet de discussions plus approfondies, l’objectif étant de parvenir à une solution-cadre convenue d’ici à 2020. En l’absence de coordination internationale, une série de pays annoncent qu’ils ont pris ou ont l’intention de prendre le problème en main (France, Royaume-Uni, Autriche, Espagne, Inde…).
Lors de sa réunion, le cadre inclusif a examiné plusieurs options, allant de l’octroi aux pays de droits d’imposition dès lors que des activités numériques génèrent de la valeur sur leur territoire (et indépendamment de l’endroit où la société est physiquement établie) à l’établissement d’un taux minimum d’imposition des sociétés, permettant aux pays de « taxer en retour » s’il est prouvé qu’un autre pays accueillant une partie de la multinationale impose en deçà du seuil convenu. On peut supposer que l’une des options était de maintenir le statu quo et de continuer à traiter les bénéfices provenant d’activités numériques de la même manière que ceux de l’économie traditionnelle. Il est toutefois peu probable que le maintien du statu quo recueille un soutien suffisant. Le secrétaire général de l’OCDE, Angel Gurria, a annoncé lors du Forum économique mondial 2019 qu’il estimait que les conditions étaient réunies pour jeter les bases d’un accord sur l’imposition des activités numériques en 2019 et d’une entrée en vigueur en 2020. (https://www.france24.com/en/20190124-oecd-hopes-global-digital-tax-2020 ).
La lutte contre l’évasion fiscale est d’une grande importance pour le mouvement syndical, et ce pour au moins deux raisons. Tout d’abord, les syndicats se soucient d’un système fiscal plus juste et plus inclusif. Les gouvernements doivent percevoir des revenus suffisants pour pouvoir investir dans le développement durable, et les consommateurs et les travailleurs ne doivent pas supporter le fardeau des revenus insuffisants des entreprises. Deuxièmement, les mauvais contribuables sont souvent de mauvais employeurs. Les constructions artificielles utilisées par les multinationales pour réduire leur responsabilité fiscale sont très similaires, voire les mêmes, que celles mises en place pour obscurcir les relations de travail, contourner les lois nationales sur le travail et les cotisations de sécurité sociale.
Les caractéristiques du secteur numérique constituent toutefois un défi de taille pour le percepteur. Les entreprises numérisées bénéficient d’une présence locale sans établissement physique. Selon les règles actuelles, un établissement formel est nécessaire pour faire valoir les droits d’imposition. En outre, les modèles commerciaux numériques reposent largement sur des actifs incorporels (données, logiciels, algorithmes) qui non seulement peuvent être déplacés facilement d’un pays à l’autre, mais sont également difficiles à évaluer selon les méthodes traditionnelles.
Le TUAC a donc encouragé le Cadre inclusif à poursuivre ses travaux sur la taxation des activités numériques, mais a averti les gouvernements de jouer la carte de la sécurité.
S comme Simple. Les efforts doivent porter sur la simplicité des règles et, dans la mesure du possible, sur leur uniformité pour tous. Plus les règles et les exemptions sont complexes, plus les conseillers fiscaux et les comptables créatifs ont le champ libre.
Certaines des options proposées visent à diviser les bénéfices en catégories distinctes (bénéfices résiduels et bénéfices courants) et à appliquer des calculs différents en conséquence. D’autres options prétendent faire une distinction entre les différents types d’actifs incorporels, toujours dans le but d’appliquer des méthodes différentes. Cela signifie que pour une même société et une même activité économique, toute une série de règles fiscales différentes s’appliqueraient. Cela encourage les montages complexes et la manipulation des bénéfices.
A comme Anti Arbitrage. L’objectif devrait être de dissuader les multinationales de transférer leurs bénéfices vers des juridictions à faible taux d’imposition. Un mécanisme conçu pour prélever des impôts dans tous les lieux où une certaine valeur est créée, indépendamment de l’endroit où la multinationale prétend être physiquement établie, devrait être accueilli favorablement. Tout effort visant à atteindre un taux d’imposition minimum coordonné doit également être salué. Plusieurs options peuvent se renforcer mutuellement et doivent donc être envisagées en combinaison.
F comme Fair. Pour être équitable, le système doit promouvoir le développement économique, en particulier dans les pays émergents qui sont plus dépendants de l’impôt sur les sociétés. Augmenter les recettes de l’impôt sur les sociétés principalement pour les pays producteurs n’est pas équitable. Partout dans le monde, l’emploi est un aspect essentiel de la création de valeur. Cela devrait être mieux reflété dans la détermination de l’assiette fiscale. Les ventes et la présence d’utilisateurs sont des éléments supplémentaires qui peuvent aider à mesurer l’impact local sur l’économie.
E comme englobant. Le cadre fiscal international devrait traiter les multinationales pour ce qu’elles sont : des entités unitaires. Le mouvement syndical critique ce que l’on appelle le « principe de pleine concurrence », qui est à la base de l’actuel paquet BEPS. Selon ce principe, les différentes entités d’une multinationale sont autorisées à commercer entre elles dans la mesure où les transactions respectent les conditions normales du marché. Le principe de pleine concurrence repose sur la fiction selon laquelle les filiales sont indépendantes les unes des autres. Cependant, ces entités juridiques font partie d’un même groupe et sont supervisées par la même société mère. L’occasion se présente maintenant de s’orienter plus clairement vers une « taxation unitaire », où les bénéfices au niveau mondial sont répartis entre les pays. Cela permettrait d’avoir un système plus simple et plus juste, avec potentiellement beaucoup moins de possibilités d’évasion fiscale.