Le TUAC se félicite des amendements révolutionnaires apportés à la loi sud-coréenne sur l’ajustement des relations syndicales et professionnelles (TULRAA), qui étendent de manière significative les droits des travailleurs et la responsabilité des employeurs à travers les chaînes d’approvisionnement. Les syndicats se sont battus pendant plus de vingt ans pour obtenir ces réformes qui étendent les droits de négociation collective aux travailleurs en sous-traitance et limitent les demandes de dommages-intérêts des entreprises visant à supprimer l’activité syndicale. Le TUAC s’est entretenu avec des représentants de ses affiliés, Seil Oh de la Fédération des syndicats coréens (FKTU) et Mikyung Ryu de la Confédération coréenne des syndicats (KCTU), au sujet de cette victoire historique.
Quels sont les principaux changements apportés à la loi TULRAA et quel sera leur impact sur les travailleurs ?
Seil Oh, FKTU : L’amendement peut révolutionner les relations de travail en élargissant la définition du terme « employeur » pour y inclure « une entité en mesure de dominer et de décider de manière substantielle et spécifique des conditions de travail ». Cela donne une base juridique aux travailleurs en sous-traitance pour négocier directement avec les entrepreneurs principaux qui exercent une réelle influence. En outre, la loi limite la responsabilité pour les dommages résultant d’une action syndicale, brisant ainsi les chaînes des saisies provisoires qui menaçaient l’existence même des syndicats.
Mikyung Ryu, KCTU : Les amendements élargissent également la portée des « conflits du travail » pour inclure les décisions de la direction affectant les conditions de travail, telles que les licenciements massifs et les restructurations. La loi supprime les dispositions qui empêchaient les travailleurs des plates-formes et les entrepreneurs indépendants de former des syndicats, une restriction maintes fois critiquée par l’OIT. La responsabilité des travailleurs pour les dommages causés par les grèves sera désormais évaluée individuellement sur la base de facteurs tels que leur rôle, leur contribution et leur niveau de salaire.
Comment les syndicats ont-ils fait campagne pour ces changements ?
Mikyung Ryu, KCTU : Le surnom de « loi sur les enveloppes jaunes » provient de la grève de 77 jours de Ssangyong Motors en 2009, menée par notre syndicat affilié, le Korean Metal Workers Union, au cours de laquelle les travailleurs ont dû faire face à des milliards de won de demandes d’indemnisation injustes. Les citoyens ont fait preuve de solidarité en envoyant des dons dans des enveloppes jaunes pour soutenir ces travailleurs. À la suite de cette expérience et d’autres similaires, nous avons mené une campagne sur plusieurs fronts. Nous avons stratégiquement organisé les travailleurs au-delà des limites légales tout en contestant les restrictions devant les tribunaux. Lorsque des travailleurs précaires et des travailleurs indépendants déguisés ont formé des syndicats et que le ministère du travail a rejeté leur enregistrement, nous avons continué à organiser et à plaider. Nous avons également mené des campagnes publiques en faveur des « droits syndicaux pour TOUS les travailleurs », tout en déposant des plaintes auprès de l’OIT et des organes des Nations unies chargés des droits de l’homme.
Seil Oh, FKTU : Cette victoire est le fruit d’une longue lutte de plus de 20 ans. Tout au long de cette période, les demandes de dommages-intérêts excessifs ont été utilisées à maintes reprises pour réprimer les activités syndicales légitimes. La FKTU, ainsi que l’ensemble de la communauté syndicale, n’ont eu de cesse de réclamer une législation visant à modifier cette réalité injuste. En interne, nous avons formé un groupe de travail TULRAA pour rassembler les voix du terrain et développer des alternatives politiques. La pression internationale a également été un moteur important, l’OIT ayant recommandé à plusieurs reprises au gouvernement sud-coréen de garantir la liberté d’association et de reconnaître le concept d’employeur de facto.
Pouvez-vous donner un exemple concret de la manière dont ces changements affecteront les travailleurs de la chaîne d’approvisionnement ?
Seil Oh, FKTU : L’amendement TULRAA est très important pour les travailleurs de la chaîne d’approvisionnement, car il codifie les principes fondamentaux de conduite responsable des entreprises des Principes directeurs de l’OCDE dans le droit national, ce qui affecte les fournisseurs des entreprises coréennes. Dans l’industrie de la construction navale, les travailleurs sous-traitants ne pouvaient auparavant pas négocier les questions de sécurité avec le chantier naval de l’entrepreneur principal, même s’ils suivaient ses instructions et ses règlements. Après l’amendement, ces travailleurs peuvent légalement exiger des négociations collectives avec l’entrepreneur principal sur des questions telles que l’équipement de sécurité et le calcul des paiements. L’entrepreneur principal ne peut plus résilier les accords de sous-traitance pour démanteler les syndicats, car cela constituerait une pratique déloyale de travail.
Mikyung Ryu, KCTU : Les grands conglomérats coréens ont de plus en plus recours à la sous-traitance. Les entreprises employant plus de 10 000 travailleurs comptent 43,7 % de travailleurs non réguliers, contre 28,6 % dans les entreprises plus petites. L’amendement permet des négociations au niveau industriel qui peuvent résoudre des problèmes systémiques. Par exemple, les travailleurs sous-traitants de Hyundai Motors sont regroupés dans une seule section syndicale, quel que soit leur employeur nominal, ce qui facilite les négociations au niveau supra-entreprise avec leur véritable employeur.
Les amendements de la loi TULRAA représentent une avancée significative dans l’établissement de la responsabilité de l’employeur tout au long des chaînes d’approvisionnement, transformant le cadre juridique pour qu’il corresponde à la réalité des relations de travail modernes. Ces modifications alignent plus étroitement le droit du travail coréen sur les principes relatifs à la conduite responsable des entreprises et à l’engagement significatif des parties prenantes. Les syndicats vont maintenant se concentrer sur la mise en œuvre tout en continuant à plaider en faveur d’une législation complète et obligatoire sur la diligence raisonnable en matière de droits de l’homme.
Crédit photo : KCTU
