Lors du symposium « Simplifier pour réussir » organisé par l’OCDE le 18 novembre, les syndicats ont fait part de leurs vives inquiétudes concernant les pratiques réglementaires d’exclusion, arguant que les cadres de mesure dépendent presque entièrement des enquêtes auprès des entreprises et des modèles de coûts, tout en marginalisant les avantages de la réglementation.
Cette exclusion pose de réels problèmes politiques. Les données d’enquête de l’OCDE révèlent de fortes divergences entre les priorités des entreprises et celles des gouvernements : 55 % des entreprises considèrent que la réglementation du travail doit être « simplifiée », contre seulement 25 % des gouvernements. Les réglementations environnementales suivent des tendances similaires : 50 % des entreprises les considèrent comme prioritaires, contre seulement 14 % des gouvernements.
La réglementation est une affaire de politique, c'est pourquoi l'évaluation de l'impact de la réglementation doit être inclusive et transparente. Les entreprises sont sensibles aux coûts, tandis que les syndicats sont plus sensibles aux avantages. L'évaluation de l'impact de la réglementation n'est pas un exercice neutre visant à décider si un coût est excessif ou non.
Les syndicats soulignent que les travailleurs possèdent une connaissance unique de l’efficacité de la réglementation. Les travailleurs mettent directement en œuvre les réglementations, y compris les fonctionnaires dans l’ensemble des activités du secteur public. Ils font l’expérience directe des coûts de mise en conformité et des avantages en matière de protection, ce qui rend leur évaluation inestimable.
L’implication des travailleurs dans les décisions réglementaires est d’autant plus importante que les protections fondamentales sur le lieu de travail ont été récemment démantelées. Les autorités américaines ont supprimé les exigences relatives aux ceintures de sécurité dans les véhicules agricoles, à l’éclairage adéquat des chantiers de construction et à la ventilation dans les mines.
Le TUAC cite ces exemples en réponse à une réglementation qualifiée de « lourde », ainsi que la suppression en 2006 par l’UE des contrôles de sécurité obligatoires sur les machines à haut risque, qui a entraîné une augmentation des accidents du travail jusqu’à ce que les autorités rétablissent les protections par le biais de la directive « Machines » de 2022.
En plus de remettre en question le cadre réglementaire, les syndicats contestent les méthodes actuelles de mesure des impacts. Ces méthodes quantifient méticuleusement les coûts de mise en conformité des entreprises, mais peinent à mesurer les avantages en termes de protection. Les entreprises interrogées dans le cadre des enquêtes de l’OCDE considèrent que la communication d’informations est l’obligation la plus contraignante, mais les évaluations ne tiennent pas compte de la manière dont la divulgation permet d’éviter des risques plus importants et d’améliorer la gestion interne. Plus fondamentalement, les cadres d’évaluation donnent la priorité à des paramètres économiques étroits tout en ignorant des facteurs cruciaux pour l’efficacité de la réglementation.
Le secteur des soins de santé montre comment ces préjugés se manifestent dans la pratique. Lors de la session de l’événement consacrée à la simplification dans le secteur, le TUAC a souligné que les objectifs ultimes des politiques publiques devraient être l’accès universel à des soins de qualité, et que la compétitivité des services de santé ne devrait pas être une fin en soi. Pour améliorer l’efficacité des services de soins, il est indispensable d’améliorer les conditions de travail des personnels de santé et de soins qui, à ce jour, comme le montrent les données de l’OCDE, restent en sous-effectif et sous-évalués dans la plupart des pays de l’OCDE.
Le TUAC insiste sur le fait que les évaluations d’impact doivent examiner comment les résultats de la réglementation se répartissent entre les parties prenantes, en particulier les travailleurs vulnérables, dont les femmes, les migrants et les jeunes. Les syndicats affirment que les difficultés à attribuer une valeur monétaire précise à la prévention de la discrimination ou à la protection des droits fondamentaux ne peuvent justifier l’affirmation qu’elles n’ont pas de valeur.
Malgré ces difficultés de mesure, les Perspectives de la politique de réglementation de l’OCDE pour 2025 montrent que, bien que 82 % des pays de l’OCDE exigent un engagement systématique des parties prenantes, les autorités ne consultent la plupart d’entre elles qu’occasionnellement et non pas systématiquement. Le TUAC demande que les cadres réglementaires fassent explicitement référence aux syndicats, que les gouvernements mettent en place des plates-formes tripartites et que les autorités donnent des moyens à la participation des groupes défavorisés.
Crédit photo : Marcel Crozet / OIT
